À la une, Décryptage • 1 octobre 2025 • Mamadou Kossa CAMARA
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Un discours prononcé à la tribune des Nations Unies se doit d’être renouvelé, à moins que l’auteur ou son pays n’ait rien à dire, rien à proposer, aucune voix à porter.
Lors de son allocution à la tribune de l’ONU, le 27 septembre dernier, le Secrétaire général de la Présidence de la République de Guinée a cité des extraits du discours prononcé au même endroit, en 2023, par le Président de la transition, Mamadi Doumbouya. Bien qu’il s’agisse effectivement d’une citation, celle-ci est inappropriée et malvenue dans un cadre comme celui de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Un discours prononcé à la tribune des Nations Unies se doit d’être renouvelé, à moins que l’auteur ou son pays n’ait rien à dire, rien à proposer, aucune voix à porter, aucun message à transmettre, aucune idée à défendre. Or, entre 2023 et 2025, de nombreux événements ont bouleversé l’ordre mondial. Le monde traverse une crise géopolitique et géostratégique majeure. Les tensions s’expriment à tous les niveaux, tandis que les fractures identitaires et idéologiques se multiplient. Le recours à la force, y compris dans le cyberespace, constitue désormais une menace existentielle. La guerre hybride, les affrontements informationnels et la prolifération massive de désinformations sont devenus le quotidien des réseaux sociaux. Les cyberattaques, les fuites massives de données à caractère personnel, ainsi que le recours immodéré aux outils d’intelligence artificielle générative, accentuent les inquiétudes sur de nouveaux problèmes de nos sociétés et les menaces qu’ils constituent pour la jeunesse, la mémoire humaine, la faculté de discernement.
En effet, le 28 septembre, dans l’après-midi, un montage vidéo a été publié sur Facebook par un militant du FNDC. La vidéo juxtapose deux interventions : en arrière-plan, celle du Président Mamadi Doumbouya en 2023 ; au premier plan, celle du Général Amara Camara en 2025. Les extraits sélectionnés sont identiques à la virgule près. La légende accompagnant la vidéo indique : « La démocratie où les citoyen.nes doivent choisir les dirigeants est obsolète. Maintenant c'est la ''démocratie'' imposée par les armes qui est la nouvelle trouvaille. D'accord. A très bientôt ! »
Une vidéo montée à dessein pour manipuler l’opinion publique
Au 1er octobre, cette vidéo avait déjà été visionnée 76 000 fois. Elle comptabilisait une centaine de commentaires évoquant un « plagiat », un « copier/coller », un « discours IA », « les guignols de la République » ou encore des insultes. Ces chiffres sont probablement sous-estimés, car ils ne prennent pas en compte les nombreuses publications similaires sur Facebook et TikTok, ni les vues générées par les partages. La portée réelle du contenu est donc significative.
Ce montage est un exemple manifeste de manipulation de l’information. L’auteur a volontairement coupé le début de l’intervention d’Amara Camara, dans laquelle ce dernier précise clairement qu’il cite un extrait du discours de Mamadi Doumbouya. Ce choix relève d’une intention malveillante. Pire encore, malgré les signalements, l’auteur du montage n’a apporté aucun élément de contexte ni dans la vidéo, ni dans la légende qui l’accompagne. Il a sciemment choisi de ne pas clarifier les choses, de ne pas répondre aux commentaires évoquant un plagiat, de ne pas modérer les propos injurieux, et ainsi de laisser se propager un contenu mensonger.
Par-dessus cette démarche de mauvaise foi, l’auteur n’a publié aucun correctif, ni même reconnu que le montage réalisé était partial, tendancieux, et attentatoire à l’image et à l’honneur du Général Amara Camara.
Cette séquence de 24 secondes décrédibilise son auteur, et entame sérieusement la confiance que son audience pourrait lui accorder à l’avenir. Car seule une vérification minutieuse à la source permet de constater qu’il ne s’agit en aucun cas d’un plagiat ni d’un simple « copier/coller ». Le montage suggère une intention frauduleuse là où il n’y avait qu’une citation contextualisée.
Une méthode malheureuse
En conséquence, ce type de manipulation jette également le discrédit sur l’action militante lorsqu’elle repose sur une stratégie de nuisance systématique. Et ce même si les critiques visent un régime militaire issu d’un coup d’État et accusé d’atteintes à la liberté d’expression, notamment à celle d’informer.
Pour rappel, voici le passage du discours de Mamadi Doumbouya cité par Amara Camara :
« De façon très claire, sans hypocrisie, sans faux-semblants, les yeux dans les yeux, nous sommes tous conscients que ce modèle de démocratie que vous nous avez si insidieusement et savamment imposé, après le sommet de la Baule, en France, presque… »
Le montage vidéo s’arrête à cet instant, alors même que le discours comporte un avant et un après, indispensables pour en saisir le contexte.
De nombreuses personnes continuent de croire à ce montage et adhèrent à la thèse du plagiat et du copier-coller. Ce contenu manipulé pourrait resurgir et être réutilisé à d’autres fins, au grand dam d’Amara Camara et de Mamadi Doumbouya, car Internet est à la fois une jungle et une archive ouverte, où rien ne disparaît vraiment.
En définitive, dans toute lutte, quelle qu’elle soit, lorsque la désinformation devient un moyen et la manipulation de l’information un outil, cette lutte perd toute crédibilité, mais surtout toute valeur humaine.

Responsable du service communication de la ville de Lectoure (32) en France. Il analyse depuis 2020 ...
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