À la une, Décryptage • 6 avril 2025 • Mohamed Sylla
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Sous le joug du directeur Mohamed Bamba Camara, l’irresponsabilité, l’inefficacité et l’incapacité du SNABE ont transformé un rêve d’éducation en cauchemar humanitaire.
Imaginez un instant : un père agonisant sur un lit de fortune, les yeux implorants tournés vers un fils incapable de lui offrir ne serait-ce qu’une consultation médicale, parce que l’État guinéen, par la voix du Service National des Bourses Extérieures (SNABE), a décidé que sa vie ne valait pas un centime. Imaginez une jeune femme, espoir de sa famille démunie, réduite à mendier dans les rues glaciales de Russie pour envoyer quelques roubles à sa mère mourante, avant de s’effondrer, malade, brisée, renvoyée comme un déchet par une université étrangère. Imaginez des centaines d’étudiants guinéens, chassés de leurs dortoirs, errant tels des fantômes dans des pays lointains, abandonnés par une administration qui préfère parader sur des plateaux télévisés plutôt que d’honorer ses engagements. Cette tragédie n’est pas une fiction. C’est la réalité crue, insoutenable, que vivent aujourd’hui les boursiers d’État guinéens à l’étranger du fait de l’irresponsabilité et de l’indifférence du leadership du SNABE.
A l’avènement du CNRD, il y avait eu des engagements de restructuration, de régulation pour donner quelques oripeaux de dignité et de décence à la vie des boursiers guinéens. Or, s’intéresser aujourd’hui au fonctionnement et aux résultats du SNABE, c’est se cogner contre un mur de désolation fait d’incrustation d’un manque de volonté et d’un désemparement sans précédent. Sous le joug du directeur Mohamed Bamba Camara, l’irresponsabilité, l’inefficacité et l’incapacité ont transformé un rêve d’éducation en cauchemar humanitaire.
Huit mois sans bourse. Huit mois sans un seul signe de vie de la part de ceux qui les ont envoyés au bout du monde pour « porter haut les couleurs de la Guinée ». Huit mois de silence assourdissant, ponctués de promesses creuses, de réunions factices et de diversions médiatiques grotesques. Pendant ce temps, des vies s’effritent, des familles s’effondrent, et une génération entière sombre dans le désespoir. Monsieur le Président Mamadi Doumbouya, vous qui avez pris les rênes de ce pays avec la promesse d’un renouveau, entendez-vous ces cris ? Monsieur Djiba Diakité, ministre Directeur de Cabinet à la Présidence, où est votre indignation face à cette hécatombe silencieuse ? Le peuple guinéen mérite des réponses. Ces étudiants, ces élites oubliées, méritent justice. Et Mohamed Bamba Camara, cet architecte d’un fiasco sans nom, doit rendre des comptes. Maintenant.
Une réunion pour maquiller davantage les apparences trompeuses
Il y a un mois, dans un sursaut de mise en scène, le directeur du SNABE a convoqué une réunion avec les présidents des sections des boursiers d’État – Maroc, Russie, Chine, et au-delà. L’objectif ? Calmer une colère qui gronde, apaiser des esprits à bout, et sauver les apparences d’une institution en pleine déliquescence. « Si tout se passe bien, les bourses seront versées dans deux semaines », a-t-il osé déclarer, selon un président d’association estudiantine, la voix tremblante de rage. Cette promesse est désormais jetée en pâture, sans garantie, sans calendrier, sans vergogne.
Mais dans les coulisses, un autre son de cloche filtre, bien plus révélateur. Un responsable présent à ce simulacre de rencontre, s’exprimant sous couvert d’anonymat, lâche une bombe : « Bamba nous a vendu un mensonge. Il a prétendu que la situation s’était débloquée grâce aux pressions médiatiques des étudiants, des blogueurs, des journalistes que nous avions alertés. Une fable pour nous amadouer, pour nous faire taire. »
Et comme si cette mascarade ne suffisait pas, une menace plane : ceux qui ne récupèrent pas leur carte PlayCard – ce sésame devenu un symbole d’absurde bureaucratie – seront rayés des listes, considérés comme « non-résidents » dans leur pays d’accueil. Bientôt saisies, les ambassades respectives valideraient cette exclusion pure et simple. Ce qui, somme toute, serait une punition infligée à des victimes déjà à terre, un coup de grâce porté par un système qui préfère sanctionner plutôt que secourir. C’est à croire que le directeur du SNABE ne dirige pas une institution ; il orchestre une machine à broyer des vies avec plaisir.
Huit mois dans l’abîme. Deux cent quarante jours d’abandon total. Pas un franc guinéen, pas un billet d’avion, pas une once d’humanité de la part du SNABE. Les étudiants boursiers, dispersés à travers le monde, ne sont plus des ambassadeurs de leur nation. Ils sont des naufragés, laissés pour compte par un État qui les a trahis. Leurs récits, recueillis au fil d’une enquête acharnée, sont autant de coups portés à la conscience collective. Ces voix méritent d’être entendues.
Des témoignages qui fendent le cœur
Il y a ce fils impuissant face à la mort de son père. Dans une petite chambre sombre de son dortoir, cet étudiant guinéen s’effondre en me racontant son calvaire. « Mon père est mort dans mes bras, à distance, à des milliers de kilomètres. Il toussait, il suffoquait, il me suppliait de l’aider. Je lui ai promis que ma bourse arriverait, que je lui enverrais de quoi voir un médecin à Conakry. Cinq millions de francs guinéens, c’est tout ce qu’il me fallait. Mais le SNABE m’a abandonné. Huit mois sans rien. Mon père est parti, les yeux ouverts, me regardant à travers un écran de téléphone qui s’éteignait faute de batterie. Je n’ai rien pu faire. Rien. » Sa voix se brise, ses poings se serrent. « Je suis prêt à tout lâcher. Cette bourse, ces études, ce mensonge. Si quelqu’un, là dehors, peut m’offrir un billet pour rentrer, je veux juste serrer ma mère dans mes bras et enterrer mon père dignement. Monsieur Bamba, vous avez du sang sur les mains. »
Il y a cette fille qui mendie pour sa mère mourante. Aujourd’hui âgée de 24 ans, cette étudiante en économie à Moscou avait des étoiles dans les yeux lorsqu’elle a quitté son village de Labé pour « devenir l’espoir de sa famille ». Ces yeux autrefois rêveurs et dégageant cette contagieuse sérénité de ceux qui croient en l’avenir, en attendent quelque chose de grandiose, sont aujourd’hui noyés de larmes et de honte. « Ma mère est malade, un cancer qui la ronge. Je n’ai rien reçu du SNABE depuis huit mois. Alors j’ai mendié. Oui, moi, une boursière d’État, j’ai tendu la main à mes amis boursiers et même à des amis en Guinée quelques pièces. J’ai envoyé 3000 roubles à ma mère – à peine 30 dollars – pour qu’elle achète des calmants. Elle m’a appelée hier, elle pleurait, elle m’a dit : ‘Ma fille, Dieu fera ce qu'il voudra. Jusqu’à cette voix me hante même dans le sommeil.» Là, cette compatriote désemparée s’effondre, secouée de sanglots qu’elle ne peut plus contenir. « J’ai attrapé une pneumonie à force de traîner dehors pour travailler. Je suis tombée malade, j’ai raté mes examens. L’université veut me renvoyer. Si Younoussa Kourouma, de l’ambassade, n’avait pas intercédé, je serais à la rue. Mais combien d’autres n’ont pas cette chance ? Monsieur Bamba, vous avez fait de moi une mendiante. Vous avez tué mon rêve. »
Et il y a cet expulsé qui, dorénavant dans une cave, termine ses études en génie mécanique à Casablanca. Ou plutôt, terminait. « Le dortoir m’a expulsé il y a trois mois. Pas de bourse, pas de loyer. J’ai dormi dans la rue, sous des cartons, jusqu’à ce qu’un ami marocain me prête une cave humide, sans lumière, infestée de rats. J’ai vendu mon téléphone pour acheter à manger – un vieux Tecno qui valait 120 dollars. Je n’ai plus de billet retour, le SNABE m’a oublié. Je vis comme un animal, moi qui voulais construire des ponts pour mon pays. » Sa voix tremble de honte et de rage. « Pendant ce temps, Bamba se pavane avec le projet imaginaire SNABE TV, il annonce de nouvelles bourses. Pour qui ? Pour d’autres victimes ? Monsieur le Président Doumbouya, regardez-moi dans les yeux : je suis votre jeunesse, et je dors avec les rats à cause de vos hommes. »
Une gestion calamiteuse : l’incurie au sommet
Mais ces témoignages ne sont que la partie émergée d’un iceberg de désespoir. Huit mois sans bourse, c’est huit mois de dettes qui s’accumulent, de loyers impayés, de nuits sans sommeil à chercher des petits boulots illégaux pour survivre. À cela s’ajoute une aberration supplémentaire : des dizaines d’étudiants, ayant achevé leurs études, sont bloquées à l’étranger, sans billet de retour. « J’ai payé pour trois mois 600 dollars pour une chambre en attendant que le SNABE agisse », me confie un autre boursier en Russie. « Avec cet argent, j’aurais pu rentrer moi-même, mais je n’avais pas assez pour un billet complet. Je suis prisonnier ici, à cause de leur silence. »Et que fait le directeur du SNABE face à cette catastrophe ? Il prépare à l’horizon des shows télévisés sur SNABE TV, une vitrine vide de sens. Pendant ce temps, comme si de rien n’était, comme si les victimes déjà broyées étaient une nuisance à ignorer et à mépriser avec l’assurance d’un prédateur qui détient l’anneau de Gygès, ses équipes dévoilent une nouvelle liste d’étudiants à envoyer à l’étranger. Comment ne pas y voir une provocation qui frise l’insulte, un mépris glacial et une assurance criminelle ? Comment oser expédier de nouvelles âmes dans ce cercle infernal alors que les actuels boursiers agonisent dans l’indifférence ? Cette stratégie de diversion ne trompe plus personne. Elle révèle une vérité accablante : le SNABE, sous la férule de Bamba, est une coquille vide, incapable de remplir sa mission première : soutenir les étudiants guinéens à l’international.
Un quota en chute libre – la Guinée ridiculisée
Les révélations ne s’arrêtent pas là. Une source en Russie, s’exprimant sous anonymat, me dresse un tableau encore plus sombre. Ces dernières années, la Guinée aurait envoyé à l’étranger des étudiants au niveau de français si médiocre que le gouvernement russe entrevoit de réduire son quota de bourses accordées à la Guinée. Il est aisé de se faire une idée de la question qui a mené à cette décision : Comment, en l’espace d’un ou deux ans, comprendre convenablement le russe, langue d’études dans les universités, quand on a un niveau si pitoyable dans la langue dans laquelle on dit avoir fait son parcours primaire, secondaire et universitaire ?
Pas étonnant donc que beaucoup de ces boursiers aux niveaux linguistique et académique catastrophiques échouent dès les premières semaines, incapables de suivre des cours dans des universités prestigieuses. Résultat : le quota de bourses alloué à la Guinée par ses partenaires internationaux diminue, année après année. Quoique cela va sans dire, il n’y a aucun mal à le marteler ici : cette humiliation nationale est principalement imputable à une sélection bâclée, à un manque de préparation, et à une gestion chaotique orchestrée par le SNABE et son directeur. Pendant que des pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire optimisent leurs programmes de formation à l’étranger, la Guinée s’enfonce et se ridiculise sur la scène internationale par l’incurie de ses responsables.
Où est la refondation promise ?
Monsieur le Président Mamadi Doumbouya, vous avez pris le pouvoir en 2021 avec la promesse d’un « redressement » de la Guinée, d’une rupture avec les vieilles pratiques. Mais que reste-t-il de cet élan lorsque vos étudiants, vos ambassadeurs à l’étranger, dorment dans des caves, mendient dans les rues, pleurent leurs parents morts faute de soins ? Le directeur Bamba n’est pas un simple fonctionnaire défaillant. Il est le symbole d’un système que vous avez juré de réformer, mais qui continue de broyer les plus vulnérables sous votre nez. Chaque jour qui passe sans action de votre part est une tache sur votre présidence.
Monsieur Djiba Diakité, Directeur de cabinet de la présidence qui supervise le SNABE, votre silence est assourdissant. Vous êtes responsable de ces jeunes, de leur avenir, de leur dignité. Comment pouvez-vous tolérer qu’un homme comme Bamba, sous votre tutelle, transforme un programme d’excellence en machine à fabriquer des misérables ? Votre inaction est une complicité. Le peuple guinéen vous regarde. Les familles de ces étudiants vous jugent. Réveillez-vous, ou démissionnez.
Une génération sacrifiée : un appel à la révolte
Les boursiers guinéens ne demandent pas votre générosité. Ils exigent ce qui leur revient de droit : une bourse pour vivre, un billet pour rentrer, un minimum de respect pour les sacrifices qu’ils consentent au nom de leur pays. Mais au lieu de cela, ils reçoivent des menaces, des promesses creuses, et le mépris d’un homme – Mohamed Bamba Camara – qui préfère soigner son image que sauver des vies de ces boursiers dont l’assurance du bien-être devrait être sa tâche principale. Sans exception, ces étudiants ont peur de parler à visage découvert au risque de voir leurs noms barrés sur la liste des boursiers.
Combien de pères devront encore mourir dans l’indifférence ? Combien de mères supplieront leurs enfants perdus à l’autre bout du monde ? Combien de jeunes talents, formés pour bâtir la Guinée de demain, seront jetés aux oubliettes par un système pourri jusqu’à la moelle ? Ces étudiants ne sont pas des numéros sur une liste. Ce sont des fils, des filles, des espoirs brisés par une administration indigne de leur confiance.
Monsieur le Président Doumbouya, Monsieur Diakité, le temps des discours est révolu. Agissez. Remplacez Mohamed Bamba Camara par un homme compétent, capable de redonner vie au SNABE. Versez ces bourses en retard. Rapatriez ces étudiants bloqués. Redonnez à la Guinée sa dignité. Car si vous ne le faites pas, la colère de cette jeunesse abandonnée risque de vous emporter. Et elle aura raison.
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